samedi 22 juillet 2017

AT9 de La Belle saison dans Paroles de Prévert

AT9 de La Belle saison dans Paroles de Prévert




Si le mythe est un récit fabriqué mettant en exergue des dieux, des demi-dieux, des hommes exceptionnels afin de ressortir l’explication des origines du monde, les causes de certaines pratiques culturelles oubliées, ou d’encenser un homme présenter par des ajouts relevant du merveilleux, de l’épique à ses actions, respectivement dans ses subdivisions spéculative, étiologique et légendaire héroïque, alors il est à observer  que ce récit est régie par une certaine axiologie que constitue l’archétype.
L’archétype, entendu comme concept psychanalytique identifiant certains types originels de représentation symbolique de l’inconscient, relève de l’universalisme puisque le paradigme « bien vs  mal » qu’il pose est relevable dans toutes les sociétés. Ce dernier s’actualise cependant sous diverses formes archétypales qui constituent le modèle primitif des éléments constitutifs de l’imaginaire. Dans cette perspective, toute production artistique (niveau artistique) porte un mythe personnel (niveau mythique) sous-tendu par une représentation axiologique sociale (archétype). Certains théoriciens ont de ce fait pu dégager la présence de 09 archétypes de base dans toute œuvre d’art : l’objectif pour nous est de ressortir ces archétypes du texte « La Belle saison » tiré de Paroles de Jacques PRÉVERT.

Archétype texte à 09 éléments (AT9) selon Yves DURANT

Le personnage : une fille – Louis XV
Elle est présentée comme l’héroïne de ce texte mais en fait, il s’agit d’une métaphore volontairement faite par Prévert pour désigner la statue de Louis XV dont la perruque sur la tête donnait aisément l’impression qu’il s’agissait d’une fille.

Quelque chose de cyclique : le Quinze Août
Le texte nous présente une référence temporelle incomplète qui laisse suggérer la possibilité qu’il s’agisse d’une date commémorative probablement en rapport avec le lien existant entre la Place de la Concorde et le monarque Louis XV.

Le monstre dévorant : le temps
L’homme a pour ambition suprême d’égaler Dieu. Dans cette mesure, il cherche à défier le temps, à défier la mort. Toutefois, même lorsque l’homme essaie de s’immortaliser au travers d’une statue, il oublie que celle-ci pourra subir les dégradations du temps et les effets des changements socio-idéologiques

L’épée : l’âge, l’immobilité (en image)  et des sculpteurs
L’arme du personnage, ici, est constituée par son âge et sa posture immobile en pleine Place de la Concorde ; la sculpture permet de figer les traits du personnage à un moment donné et à dans une posture donnée.

Le refuge : Place de la Concorde
Située au pied de l’avenue des Champs Élysées, dans le 8e arrondissement de Paris, elle a porté plusieurs  noms successifs de « la place Louis XV » à l’actuel « Place de la Concorde », en passant par « Place de la révolution » : elle entretient donc un rapport à l’histoire. Ce lieu a assuré la protection physique de Louis XV avant la révolution ; mais, actuellement, eu égard au fait que nous en parlons dans cette analyse, le texte de Prévert et notre analyse font de ce lieu une protection métaphysique de Louis XV contre le temps.

La chute d’eau : du bronze, des hommes (sculpteurs),
Pour ériger la statue de Louis XV, il a fallu de la matière première, des matériaux et des hommes capables de sculpter dans du bronze.

De l’eau : la statue de Louis XV
La statue représente la possibilité pour Louis XV de vivre au-delà de sa vie. D’ailleurs l’intention d’ériger cette statue ne fait-elle pas suite à une longue maladie qui a failli lui coûter la vie ?

Le feu : la paix
Tant que la paix régna, il n’y eut aucune raison pour le peuple français d’envoyer la statue du Roi à la refonte. Par contre, dès que le peuple s’est révolté, les rêves d’immortalité nourris pour Louis XV ont été révisés.
                                                                                            

L’animal : le statut de Roi (représentant de Dieu, oint par le clergé)
L’onction du clergé et la reconnaissance comme envoyé de Dieu font du Roi un être suprême qu’il faut considérer avec déférence et envisager qu’il reste Roi éternel. De fait lorsqu’il a fallu construire la statue, les négociations d’expropriation de quelques occupants de la Place de La Concorde ont été entamées.

Interprétation(s)
Le rapport  de l’homme au temps suggère que nous interrogions toute la structure sémantique de ce texte. N’est-il pas de mise ici de voir en la jeune fille l’image d’un Louis XV dont il a été décidé d’ériger la statue sur une des places du Roi ; le titrage par « la belle saison » ne correspond-il pas à la remarque  populaire de l’époque qui disait au sujet de la statue de l’alors impopulaire Louis XV :
 «  Ah ! La belle statue, ah ! Le beau piédestal,
    Les vertus sont à pied et le vice à cheval. »

Le texte « La Belle saison » apparaît comme une métaphore sur toute sa longueur puisqu’elle met en exergue, dans une perspective historique, la  symbolique de la place de la Concorde pour le peuple français. La métaphore est d’autant plus actualisée qu’elle modifie une citation populaire à l’époque et la reformule eu égard à la diachronie. Au-delà de l’identification du référent mythique, l’AT9 nous aura permis de comprendre que Prévert souhaiterait déconstruire la conception ecclésiastique de la fonction de Roi :
-          le Roi est un homme ;
-          il a des désirs d’homme (l’immortalité par exemple) ;
-          il subit la fatalité de  hommes (le temps et la mort) ;
-          la paix est essentielle, la guerre quant à elle éradique le peu d’illusions qui permettent à l’homme de vivre avec en sachant que la fatalité plane au-dessus de lui ;
-          la recherche de l’immortalité est vaine, quelle que soit l’entrée qui semble nous y mener.

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