AT9 de La Belle saison dans Paroles de Prévert
Si le mythe est un récit fabriqué mettant en exergue
des dieux, des demi-dieux, des hommes exceptionnels afin de ressortir
l’explication des origines du monde, les causes de certaines pratiques
culturelles oubliées, ou d’encenser un homme présenter par des ajouts relevant
du merveilleux, de l’épique à ses actions, respectivement dans ses subdivisions
spéculative, étiologique et légendaire héroïque, alors il est à observer que ce récit est régie par une certaine
axiologie que constitue l’archétype.
L’archétype, entendu comme concept psychanalytique identifiant
certains types originels de représentation symbolique de l’inconscient, relève
de l’universalisme puisque le paradigme « bien vs mal » qu’il pose est relevable dans
toutes les sociétés. Ce dernier s’actualise cependant sous diverses formes
archétypales qui constituent le modèle primitif des éléments constitutifs de
l’imaginaire. Dans cette perspective, toute production artistique (niveau
artistique) porte un mythe personnel (niveau mythique) sous-tendu par une
représentation axiologique sociale (archétype). Certains théoriciens ont de ce
fait pu dégager la présence de 09 archétypes de base dans toute œuvre d’art :
l’objectif pour nous est de ressortir ces archétypes du texte « La Belle
saison » tiré de Paroles de
Jacques PRÉVERT.
Archétype
texte à 09 éléments (AT9) selon Yves DURANT
Le personnage : une fille – Louis XV
Elle
est présentée comme l’héroïne de ce texte mais en fait, il s’agit d’une
métaphore volontairement faite par Prévert pour désigner la statue de Louis XV
dont la perruque sur la tête donnait aisément l’impression qu’il s’agissait
d’une fille.
Quelque chose de cyclique : le Quinze Août
Le
texte nous présente une référence temporelle incomplète qui laisse suggérer la
possibilité qu’il s’agisse d’une date commémorative probablement en rapport
avec le lien existant entre la Place de la Concorde et le monarque Louis XV.
Le monstre dévorant : le temps
L’homme
a pour ambition suprême d’égaler Dieu. Dans cette mesure, il cherche à défier
le temps, à défier la mort. Toutefois, même lorsque l’homme essaie de
s’immortaliser au travers d’une statue, il oublie que celle-ci pourra subir les
dégradations du temps et les effets des changements socio-idéologiques
L’épée : l’âge, l’immobilité (en image) et des sculpteurs
L’arme
du personnage, ici, est constituée par son âge et sa posture immobile en pleine
Place de la Concorde ; la sculpture permet de figer les traits du
personnage à un moment donné et à dans une posture donnée.
Le refuge : Place de la Concorde
Située
au pied de l’avenue des Champs Élysées, dans le 8e arrondissement de
Paris, elle a porté plusieurs noms
successifs de « la place Louis XV » à l’actuel « Place de la
Concorde », en passant par « Place de la révolution » :
elle entretient donc un rapport à l’histoire. Ce lieu a assuré la protection
physique de Louis XV avant la révolution ; mais, actuellement, eu égard au
fait que nous en parlons dans cette analyse, le texte de Prévert et notre
analyse font de ce lieu une protection métaphysique de Louis XV contre le
temps.
La chute d’eau : du bronze, des hommes (sculpteurs),
Pour
ériger la statue de Louis XV, il a fallu de la matière première, des matériaux
et des hommes capables de sculpter dans du bronze.
De l’eau : la statue de Louis XV
La
statue représente la possibilité pour Louis XV de vivre au-delà de sa vie.
D’ailleurs l’intention d’ériger cette statue ne fait-elle pas suite à une
longue maladie qui a failli lui coûter la vie ?
Le feu : la paix
Tant
que la paix régna, il n’y eut aucune raison pour le peuple français d’envoyer
la statue du Roi à la refonte. Par contre, dès que le peuple s’est révolté, les
rêves d’immortalité nourris pour Louis XV ont été révisés.
L’animal : le statut de Roi (représentant de Dieu, oint
par le clergé)
L’onction
du clergé et la reconnaissance comme envoyé de Dieu font du Roi un être suprême
qu’il faut considérer avec déférence et envisager qu’il reste Roi éternel. De
fait lorsqu’il a fallu construire la statue, les négociations d’expropriation
de quelques occupants de la Place de La Concorde ont été entamées.
Interprétation(s)
Le rapport de
l’homme au temps suggère que nous interrogions toute la structure sémantique de
ce texte. N’est-il pas de mise ici de voir en la jeune fille l’image d’un Louis
XV dont il a été décidé d’ériger la statue sur une des places du Roi ; le
titrage par « la belle saison » ne correspond-il pas à la
remarque populaire de l’époque qui
disait au sujet de la statue de l’alors impopulaire Louis XV :
« Ah ! La belle statue, ah
! Le beau piédestal,
Les vertus
sont à pied et le vice à cheval. »
Le texte « La Belle saison » apparaît
comme une métaphore sur toute sa longueur puisqu’elle met en exergue, dans une
perspective historique, la symbolique de
la place de la Concorde pour le peuple français. La métaphore est d’autant plus
actualisée qu’elle modifie une citation populaire à l’époque et la reformule eu
égard à la diachronie. Au-delà de l’identification du référent mythique, l’AT9
nous aura permis de comprendre que Prévert souhaiterait déconstruire la
conception ecclésiastique de la fonction de Roi :
-
le Roi est un
homme ;
-
il a des désirs
d’homme (l’immortalité par exemple) ;
-
il subit la
fatalité de hommes (le temps et la mort) ;
-
la paix est
essentielle, la guerre quant à elle éradique le peu d’illusions qui permettent
à l’homme de vivre avec en sachant que la fatalité plane au-dessus de
lui ;
-
la recherche de
l’immortalité est vaine, quelle que soit l’entrée qui semble nous y mener.
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