jeudi 12 janvier 2017

Théorie de la stylistique structurale: Application à une fable de La Fontaine

par Arnaud TABAKOU TEMAYEU

INTRODUCTION

De la théorie de la stylistique structurale




ANALYSE STRUCTURALE DE LA FABLE « La laitière et le pot au lait » de La Fontaine


Notre étude aura cinq postes d’analyse : le plan d’énonciation, la métrique, les modalités de phrase, les champs lexicaux dominants (l’habillement et l’élevage), et les types de phrase.

1.      Le plan d’énonciation (Contexte                 procédé stylistique                   contexte)

L’apologue commence par une séquence narrative, qui s’étale sur les onze premiers vers ; présentant Perrette sur le chemin de la ville, ce récit descriptif se présente comme le principal plan d’énonciation notamment à travers le recours au système verbal du passé : « prétendait » (v3), « allait » (v4), « comptait, employait, achetait, faisait »  (hypotaxe observée) (vv8-10). Nous sommes donc dans la norme, le macrocontexte/contexte.
La brisure d’équivalence constituée par le microcontexte/procédé stylistique apparaît du v12 au v21 à travers l’insertion d’une séquence discursive qui rompt avec la norme établit et constitue de fait un écart. Cette séquence s’observe à travers l’usage de guillemets, le recours au présent de l’indicatif et au futur simple, la présence d’une interrogation rhétorique. Ce brusque changement désigne l’énallage, avec pour effet recherché la  production une forte impression sur l’archilecteur, l’insistance sur ce segment qui présente l’impact des illusions ou d’un discours intérieur trop onirique sur la vie réelle : cet exagération du rêve chez Perrette s’illustre à travers une hypotypose (vv14-19), marquée par une construction symétrique (vv17-18) qui manifeste la cohérence du discours intérieur de Perrette.
La séquence narrative réapparaît du v22 au v29. Cette réapparition permet de clore ce poste d’analyse.

2.      La métrique (type de contexte structural 2 : Contexte                    procédé stylistique (qui peut être à l’origine d’un nouveau contexte + PS))

Au-delà de « balbutiements » observés dans la mesure des vers 1-2, nous observons qu’à partir du v3 jusqu’au v12, il y a une construction métrique régulière qui s’impose comme norme. En effet, la mesure du vers obéit à une trilogie qui est croisée à une autre mesure trilogique : on recense ainsi 3 alexandrins suivis de 3 octosyllabes suivis de 3 alexandrins. Il s’agit là d’une symétrie au niveau de la métrique.
Le fait stylistique naît de la rupture de cet ordonnancement des mesures. En effet, la trilogie des vv12-13-14 se pose en tant qu’écart dans la mesure où son noyau (v13), alexandrin est en déphasage avec ses pôles (vv12-14), octosyllabes dans un groupe censé être constitué d’octosyllabes. Cette rupture a sans doute un lien avec le changement de plan d’énonciation et de référent de communication. Un tel procédé suggère la quête d’un effet de rupture accommodante puisqu’il apparaît comme la prémisse d’un nouveau contexte. 
Une nouvelle norme est établie (vv15-24), qui pose désormais l’alexandrin comme mesure du vers. Cette nouvelle norme peut être interprétée comme une montée en puissance vers le nœud de l’intrigue : c’est un mouvement crescendo qui correspond à une protase macrostructurale.
La brisure intervient à partir du v25 à travers la réintroduction des vers à 08 pieds qui viennent rompre d’avec la norme de l’alexandrin. Ce procédé stylistique peut être interprété comme une chute de la tension narrative, l’action centrale ayant déjà été réalisée : c’est un mouvement decrescendo qui nous amène vers la fin du récit, c’est une apodose macrostructurale.

3.      Les modalités de phrase (type de contexte structural 1 : Contexte             procédé stylistique                   contexte (                  procédé stylistique)

Du v1 au v18, on observe une récurrence d’emploi de la modalité déclarative notamment à travers la ponctuation « . », la syntaxe des phrases qui présente pronom personnel + verbe (« Perrette, […] prétendait…la ville. » vv1-3). Ainsi constituée, elle devient la norme.
Toutefois, une brisure apparaît dans les vv19-20-21 puisqu’il y a une modalité interrogative actualisée, qui rompt avec la norme. C’est une interrogation rhétorique marquée par l’emphase que porte la conjonction « et ». Cette insistance a pour objectif de clore le discours intérieur de Perrette et de poser cette interrogation comme la cause de la chute du lait car l’image de bêtes sautant actualisée dans le psychique de Perrette, a été inconsciemment réalisée par cette dernière qui a sauté. L’effet stylistique visé par l’encodeur est celui de l’insistance afin de démontrer combien nos illusions peuvent nous entraîner à la chute.
De nouveau la modalité déclarative s’établit comme norme (vv22-29). Elle héberge alors non seulement les vv22-29 qui font état d’une hypotypose, mais aussi les vv28-29 : «le récit en farce…le pot au lait », qui nous permettent de reconnaître en cette fable, une conglobation.  Cette norme est à nouveau rompue par la modalité interrogative qui, dans ce cas, correspond à un épiphonème. À travers cette figure de style brisant l’équilibre, l’encodeur conclut son argumentation. L’effet observé est la sensation qu’a l’archilecteur d’être interpellé à plus de vigilance concernant l’intensité de son imagination.

4.      Les champs lexicaux  (contexte              procédé stylistique) 

Le long des 09 premiers vers, le lexique de l’habillement est présenté comme norme pour ensuite laisser place au lexique de l’élevage (vv10-21). Cette rupture met en exergue la simplicité de l’habillement de Perrette comme conséquence de ses vues sur son futur élevage. À travers cette rupture, l’émetteur souligne la primauté des ambitions de Perrette sur son habillement, aspect cher aux femmes. L’archilecteur a l’impression qu’il lui est recommandé par ce procédé, de ne pas négliger l’essentiel, le réel au profit de l’illusion.